Trouver les mots - hommage aux jams DCC

J’ai mis beaucoup de temps à écrire cet article. Lorsque j’ai jeté les premières idées, je les ai trouvées contradictoires. La pression externe et la liberté, trouver le repos et créer sans cesse. Je vais essayer de démêler tout cela. Pardon si c'est un peu le bazar. J’ai fait au mieux. J’ai même un plan.

Pour le contexte, depuis près d’un an, je participe quand je le peux aux jams mensuelles du label Dirty Clean Crew (DCC), organisées par Linou Major Zéro. Plus précisément, j’ai rendu des travaux pour sept des onze jams qui se sont déroulées ces derniers mois.

Je distingue un avant et un après cette période dans mon rapport à la création, entre autres.

Avant

Créer à temps partiel, en amateur, présente une difficulté majeure. L’activité en pointillé, avec peu de temps à dépenser, force des choix sur ce qui peut être réalisé ou pas. Dans ce contexte, je vais me diriger vers une réalisation rapide ou bien quelque chose de plus ambitieux mais qui me tient très à cœur (j’ai peu de temps donc je fais le plus important pour moi).

Sans obligation, sans engagement pris auprès du monde extérieur, il faut une grande discipline pour mener à bien ces projets rapidement. Discipline que je n’ai pas. Je réfléchis alors beaucoup à ce qu’il faut faire avant de le faire. Je produis donc assez peu. Et difficilement, car peu souvent, et donc avec peu d'expérience.

Il faut trier, beaucoup d'idées se bousculent sans qu’une se distingue des autres. Il n’y a pas de direction dans ce chaos.

Il est très difficile pour moi de trouver les mots qui expriment l’inconfort et la frustration générée par ce brouillard. C’est à mettre en regard avec l’importance pour moi de créer quelque chose. Je n’ai jamais vu ça comme un hobby, mais comme une nécessité. Je veux dire qu’il est nécessaire pour moi de créer, pas que mes créations sont nécessaires. Je ne prends pas au sérieux mes créations, mais je prends au sérieux le fait de créer.

Au moment de rentrer dans la première jam, en juillet 2023, je finalisais un travail de taille conséquente (parution bientôt). Un “burst” ou “scénario long” (je préfère “aventure”) qui constitue ma plus ambitieuse œuvre rolistique à ce jour. J’avais quelques idées pour d’autres projets, mais rien de bien précis. Participer aux jams était pour moi une manière de réinitialiser la machine.

Les jams du DCC

Les participantes et participants ont un mois pour proposer une création artistique autour d’un thème tiré au hasard.

Il n’y a pas de restrictions sur le type de création. Scénario, jeu de rôle ou autre jeu, illustration, poésie, texte, menuiserie. Des fictions audio, des polices de caractères et des recettes de pâtisserie ont même été proposées.

Les thèmes sont en majorité issus de jeux de rôle mais pas uniquement (les Deschiens sont dans la liste). Le thème peut être abordé de manière directe ou indirecte. Par exemple, le thème Donjons et Dragons peut inspirer un scénario se déroulant effectivement dans un univers de la licence, ou bien une création autour du thème du dragon, sans lien avec un univers officiel.

Une soirée en live sur le Twitch de Linou Major Zéro (https://www.twitch.tv/linoumajorzero) ouvre la nouvelle jam et clôture la précédente. Le nouveau thème est révélé, et nous présentons les créations du mois écoulé.

Après

La routine créative des jams a apporté des améliorations sur quatre axes que je développe ci-après:

  • La qualité de mes œuvres
  • Ma capacité de production
  • Mon ressenti pendant le travail de création
  • Ma santé mentale

La qualité de l’œuvre

Les travaux sont présentés dans un environnement bienveillant. D’une part, on parle à des personnes qui partagent nos valeurs (affirmées avec conviction par le DCC) et nos passions. Ensuite, on est rassuré sur le fait qu’il n’y a pas d’exigence particulière sur le niveau de finition (je cite Linou “les bonshommes bâtons sont OK pour les jams”).

Finalement, la seule pression vient de nous-mêmes. On veut faire honneur à la communauté, ce qui est une motivation agréable.

Personnellement, devoir présenter mon travail m’encourage à me concentrer justement sur le fait de pouvoir le présenter. A mon avis, c’est un angle excellent en particulier pour le jeu de rôle, où la transmission est un aspect si complexe.

Je suis convaincu que cela améliore la qualité de ce que je livre. Finalement, tout ce que je ne peux pas expliquer clairement à une autre personne, dans le but qu’elle-même puisse transmettre cela, en menant un jeu par exemple, n’a pas vraiment lieu d’être présent dans le travail final. Cela m’oblige à me concentrer sur l’essentiel.

La capacité de production

L'entraînement créatif régulier (une création par mois c’est relativement intense pour un hobby) permet de trouver des raccourcis pour générer des idées et les mettre en forme. Les idées ne s’épuisent pas à mon avis, plus nous en trouvons plus il nous en vient.

J’ai plus d’idées dirigées vers un objectif ou thème, donc plus claires que des idées “libres”, et je défriche avec la pratique les raccourcis qui me permettent d’atteindre mon but.

En tout cas, j’ai l’impression de reprendre un certain contrôle sur le flot de ma pensée.

Pratiquer souvent permet aussi de trouver ce qu’on veut vraiment faire. Si toutefois cela a un sens. Je vais identifier au fur et à mesure d’une pratique régulière, ce que j’aime ou pas, reconnaître des schémas, des clous que j’ai frappés, inconsciemment mais sans relâche, dans toutes mes réalisations. J’imagine que cette recherche pourrait se rapprocher du cheminement de tout créateur pour “trouver son style”, mais ici je pense plutôt aux thèmes qui me tiennent à cœur et à l’approche du jeu que je souhaite transmettre (ou plutôt aux approches, car elles sont multiples).

Le processus de création

La régularité permet de se replonger avec plaisir dans le processus de création, d’expérimenter dessus. Il y a des directions à explorer non seulement dans ce qu’on souhaite atteindre comme résultat, mais sur les manières de l’atteindre.

Le processus de création a finalement le sens qu’on lui donne, qui n’est pas nécessairement celui de l'œuvre finale. L’art est une pratique. Le pratique est un jeu, peut-être même un jeu de rôle. En créant, j’endosse le rôle d’un autre, une personne ayant une confiance suffisante en ses capacités pour aller au bout d’une réalisation et montrer le résultat. C’est un jeu dans lequel je peux m’immerger.

Les thèmes sont imposés mais la forme de la création étant libre, je peux explorer plusieurs voies avec un enthousiasme enfantin. Voire une certaine malice, en étant jusqu’au boutiste sur l’idée initiale. Je ne suis pas obligé d’aller vers des sujets et techniques que je connais bien. Je m’immerge dans les recherches documentaires, l’accumulation de connaissances inutilement précises sur des sujets plus ou moins obscurs.

Je m'essaie aussi à de nouvelles méthodes (pour moi). Tant pis si ça n’a pas l’air parfait. Au contraire, j’aime l'énergie punk de l'œuvre qui n’est pas vraiment finie attaquée avec des techniques qui ne sont pas vraiment maîtrisées.

La communauté apporte aussi beaucoup, outre l’émulation et l'enthousiasme. Sur certaines jams j’ai créé en groupe. C’est intéressant de confronter les points de vue sur un même concept, d’ajouter du texte pour coller à l'ambiance d’une illustration qu’une autre personne me propose, de retravailler une maquette suite au retour d’un relecteur.

La santé mentale

La routine créative crée un quotidien parallèle. J’ai des pensées parasites, que je dois organiser et diriger si je ne veux pas que ma vie en pâtisse. Le signal ne doit pas se perdre dans le bruit de fond.

L’immersion dans la création régulière permet un nouvel échappatoire, mais plus positif que le bruit habituel d’idées confuses.

Au lieu d’une spirale descendant vers l’abattement, le découragement et une vaine quête de sens, les idées s’imbriquent en pente douce vers un but identifié et proche dans le temps.

Dans mon contexte personnel où l’activité principale, source de revenus, n’est pas épanouissante, la régularité des jams contribue à “légitimer” mon activité secondaire. Cela donne une raison de plus de continuer, des encouragements pour la suite. J’admets être dans une position relativement privilégiée pour créer (pas de pression sur les revenus, profil qui m’assure une certaine écoute). Il reste que la société entière valorise des activités proches de ma profession, et hurle que les activités proches de ma vocation sont inutiles (si ce n’est comme “hobby”, c’est à dire finalement une soupape qui permettra d’être plus efficace dans l’activité principale). Une légitimation et des encouragements externes sont donc toujours bienvenus.


Ma conclusion, bien naturellement, est un remerciement. Merci à Linou Major Zéro et à toute la communauté pour les jams du DCC. Retrouvez Linou et le DCC par ici: https://linktr.ee/LinouMajorZero.

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