Images mentales

Cet article, comme les deux précédents, fait partie de mon cycle de réflexion sur la préparation minimale. Il se base sur plusieurs lectures et expériences personnelles.

“Images mentales” est une expression qui regroupe ici toutes les impressions, éléments imaginés, projections dans l’ambiance durant la partie. Et donc plutôt sur des éléments esthétiques (en distinction du tactique, social ou moral). Le présent article s’intéresse à la question de la préparation de ces images mentales. Comment s’assurer, en amont, de la transmission du paysage imaginaire, de l’espace virtuel que nous allons partager pendant la partie ou plus?

Lorsque je prépare une partie, qu’il s’agisse d'une campagne ou d’un format plus court, j’ai en tête ce paysage mental. C’est souvent un angle mort de ma préparation formelle d’ailleurs, quelque chose que je n’ai pas besoin d’écrire car je l’habite déjà. C’est un présupposé à ma projection dans la future partie de jeu de rôle.

Le fait d’écrire des scénarios destinés à être publiés m’a obligé à formaliser certains éléments de cette préparation.

Ce qui suit est une collection de recettes issues de mes lectures et de mes propres expériences. Cette collection n’est ni exhaustive ni parfaite, elle doit être vue comme une liste d’idées qui peuvent (je l’espère) aider. Le point commun à toutes ces idées est de permettre d’évoquer beaucoup avec peu, d’où le rattachement de cet article aux réflexions sur la préparation “minimale”.

Utiliser des illustrations évocatrices

Lorsque je joue à distance, ce qui est le cas la plupart du temps, la préparation de l’ambiance imaginaire passe par le fait de réunir des illustrations de lieux, de personnages et d'objets.

En général je cherche des images belles et évocatrices. Belles pour avoir plaisir à les montrer, à partager des œuvres que j’apprécie. Évocatrices pour qu’elles puissent générer chez les autres, à la table de jeu, des parties de ce paysage imaginaire. Mais sans explicitement remplacer leur imagination.

Je trouve que deux catégories d'images répondent bien à ce critère d'évocation: les images très oniriques ou fantastiques, qui d'une manière évidente symbolisent le sujet plus qu’elles ne le décrivent, et les images “imprécises” (ce n’est sans doute pas le bon terme) qui se détachent de la réalité par leur absence de détails fins, et donc permettent de se projeter.


Illustration "symboliste" issue de L'Empire des Cerisiers, Olivier Sanfilippo


Illustration "imprécise" issue de Symbaroum, Martin Bergström

Mettre en valeur les détails

Dans mon expérience, il me semble que les descriptions les plus efficaces se structurent en deux temps. D’abord, l’ambiance générale, l'allure d’un personnage ou la topologie d’un endroit est exposée de manière succincte. Ensuite, on donne quelques détails évocateurs. La description d'éléments d’échelle intermédiaire est selon moi à proscrire. En effet, on a besoin pour se représenter quelque chose d’une idée très générale, et de détails qui la rendent vivante.

Par exemple, à la place de la description suivante: “Une boîte de bois de couleur claire, polie, charnière métalliques, présentant une éraflure profonde et irrégulière.” on peut écrire: “Une boîte de bois présentant une éraflure profonde et irrégulière.” Ici, il s’agit de livrer ce qui permet d'identifier l’objet et de s’en faire une idée générale (boîte en bois) mais aussi du ou des détails pouvant intéresser la table.

Pour les lieux, les détails sont souvent plus évocateurs de l’ambiance qu’une description générale. Par exemple, “de vieux magazines posés sur une table basse” évoque mieux une salle d’attente que toute autre description de ses murs ou de son mobilier.

Un exemple avec un personnage, tiré de Deep Carbon Oservatory de Patrick Stuart & Scrap Princess): “a burned-black woman with eyes like full moons and starlight-white waving hair.” Une idée générale et deux détails, pas d’informations de niveaux intermédiaire telles que la taille par exemple.

Utiliser des couleurs

Les couleurs, incluses dans des descriptions ou des illustrations, peuvent être utilisées de deux manières. La plus directe et simple est de les apporter pour invoquer une émotion.

Dans le scénario Le silence de Greyshore de Louise Chamagne, on nous propose une couleur d’ambiance pour chaque lieu marquant une étape de la narration. Chaque couleur symbolise aussi une étape d'un deuil. Ainsi la couleur opère un lien entre le lieu, l’étape narrative et l’état psychologique symbolisé.

Une autre manière d'utiliser la couleur est d’apporter du contraste. On pose la couleur d’ambiance, puis celle du détail qui contraste avec. Par exemple, le sang rouge sur les dalles de marbres d'un blanc immaculé du palais.

Utiliser des mots-clés

Il s’agit ici de poser une ambiance, un lieu ou un personnage avec quelques mots-clés. Ces mots sont écrits lors de la préparation et utilisés comme guide en session, qu’ils soient explicitement cités dans les descriptions ou non.

Dans Le silence de Greyshore encore, outre une description plus “rédigée”, chaque lieu est décrit par une ensemble de “mots d'ambiance”. Ces mots (entre quatre et sept) sont soulignés par la mise en page et facilement accessibles.

Évoquer un personnage avec un acteur ou une actrice

Il est possible d’évoquer la présence d’un personnage à l’aide d’un autre personnage de fiction. Toutefois, cela peut provoquer de la confusion, car un personnage de fiction possède également une personnalité, une histoire, des valeurs qui ne sont pas forcément compatibles avec le personnage à décrire.

Une solution est d’utiliser des noms d’actrices et d’acteurs. Ils évoquent un physique mais aussi une manière d’être et une présence tout en présentant l’avantage de pouvoir endosser différentes personnalités et histoires.

J’ai vu cette technique employée dans le scénario Deep water horizon de Linou MajorZéro. Pour chaque personnage, en plus de la description détaillée et d’une illustration, une liste d'acteurs et d'actrices est fournie. Cette liste permet de se faire très rapidement une idée de la présence physique du personnage.

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