Le partage de l'autorité narrative
Cet article propose un outil d'analyse de répartition de l'autorité narrative à une table de JDR.
L'autorité narrative se définit ici comme le pouvoir de décider, parmi toutes les éléments narratifs produits à la table de jeu, ce qui fait effectivement partie de la fiction ou non.
Le triangle de l'autorité narrative
Dans le modèle présenté ici, l'autorité narrative se partage plus ou moins équitablement entre 3 entités distinctes:
- Meneur/meneuse de jeu (MJ) : on fait ici référence à la personne et non au rôle.
- Joueurs/joueuses (J) : on fait ici référence à la personne et non à son personnage.
- Système de jeu (S) : il s'agit ici de toute la partie explicitement réglée du système de jeu, et ayant un potentiel impact sur la narration, qu'il s'agisse de règles faisant appel au hasard ou non, chiffrées ou non.
- Au centre du triangle, l'autorité narrative est équitablement répartie entre les 3 entités.
- Sur l'arrête MJ - J, vous jouez à un jeu sans système.
- Sur l'arrête S - J, vous jouez à un jeu sans MJ.
Voici l'exemple d'une table ou d'un jeu où J et MJ se partagent l'autorité narrative équitablement, avec une faible autorité du système :
Analyse détaillée
Nous allons changer de représentation en considérant le diagramme ci-dessous.
On peut placer sur ce diagramme les éléments ou phases de jeu dans différentes zones où :
- Une entité a l'autorité exclusive de la narration (couleurs primaires).
- L'autorité narrative est partagée entre 2 entités (couleurs secondaires).
- L'autorité narrative est partagée entre les 3 entités (centre).
Voici un exemple classique :
Dans cet exemple :
- L'entité MJ a l'autorité exclusive sur l'environnement. Lorsqu'elle décrit un lieu, celui-ci devient automatiquement un élément valide de la fiction.
- Les J ont l'autorité exclusive sur les dialogues entre leurs personnages. Dès qu'ils/elles s'expriment à travers leurs personnages, ce qui est dit est automatiquement valide dans la fiction.
- Dans un dialogue entre PNJ et PJ, l'autorité narrative est partagée équitablement entre J et MJ.
- Lors d'actions des PJ ou d'un combat, toutes les entités partagent (pas forcément équitablement toutefois) l'autorité narrative (par exemple les J déclarent des intentions, S aide à la résolution, MJ décrit les conséquences).
Il est possible de continuer à détailler. Dans l'exemple proposé ici, fouillons plus en détail le combat. Un exemple classique de séquence de combat est le suivant :
- J décrit l'action du PJ
- Le PNJ subit l'action
- Le PNJ agit
- Le PJ subit
Dans cette séquence, J détient l'autorité narrative parfois seulement sur le premier point. Pour 75% de la séquence, MJ assisté de S a l'autorité. De même pour les actions des PJ hors combat, les J peuvent décrire l'action dans les conditions données par MJ avec une résolution de MJ et S.
Dans un tel exemple, les actions des PJ et le combat sont donc plutôt à placer en grande partie dans la zone médiane haute :
Applications
Un outil de session 0 ?
Cet outil peut permettre à la table de définir où placer le curseur de la campagne à venir et comment choisir un jeu ou bien aménager celui choisi pour coller aux attentes.
Au-delà, il permet de s'interroger sur la manière de conduire la narration et de proposer d'autres manières de jouer à sa table.
Mieux définir les "problèmes de système"
Lorsqu'on a le sentiment de ne pas apprécier les systèmes de jeu, de les trouver trop lourds ou pas assez détaillés, le modèle proposé dans cet article peut permettre de déplacer la cette question vers la place de ces systèmes dans notre manière de jouer :
Quelle est la part d'autorité narrative du système ?
Laisse-t-il suffisamment de place au MJ et J ?
Le système assiste-t-il surtout MJ ou J ? Est-ce que le système est vraiment utilisé par les J ? Lancer les dés, ce n'est pas utiliser le système, seulement le déclencher. Interpréter les résultats en terme de jeu, c'est utiliser le système.
Pour conclure l'article, je précise qu'il ne s'agit pas d'une préconisation pour équilibrer l'autorité narrative entre toutes les entités, ou même entre J et PJ. Le JDR peut tout à fait se pratiquer de manière asymétrique, et c'est classiquement le cas. Définir cette asymétrie et la remettre en question peut sans doute apporter plus de clarté ou d'idées de jeu.
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